Daido Moriyama : L’art de l’accident en photographie

Daido Moriyama, est né en 1938 à Ikeda au Japon. Son œuvre, profondément ancrée dans l’exploration urbaine et la capture de l’instant, a révolutionné la perception de la photographie au Japon et au-delà.
Moriyama s’est lancé dans la photographie dans les années 1950, déménageant à Tokyo en 1961. Influencé par des photographes comme Takeji Iwamiya et Eikoh Hosoe, il a rapidement développé un style distinctif. Sa participation au magazine avant-gardiste « Provoke » dans les années 1960 a consolidé sa réputation, le magazine prônant une esthétique « brut », « flou » et « granuleux ».

Moriyama se concentre essentiellement sur les paysages urbains, en particulier les rues de Tokyo et d’autres villes. Il capture des scènes de la vie quotidienne, des détails souvent négligés, et l’énergie brute des environnements urbains. Sa méthode de travail est largement instinctive. Moriyama se laisse guider par ses réactions émotionnelles et ses intuitions, se déplaçant à travers les villes et capturant ce qui attire son regard. Il est attiré par les aspects marginaux de la société, les zones périphériques des villes, et les scènes nocturnes, qui révèlent une facette plus brute de la vie urbaine.

Ses narrations sont souvent fragmentées et ouvertes à l’interprétation. Il utilise la juxtaposition d’images pour créer des contrastes ou des dialogues visuels. Moriyama utilise souvent le format du livre photo pour construire ses narrations. La manière dont les images sont disposées et se succèdent dans un livre contribue à créer un récit visuel.

Expositions et projets photographiques majeurs

Daido Moriyama est célèbre pour plusieurs photographies emblématiques qui ont marqué le monde de la photographie de rue et de l’art contemporain. Il faut noter que le web, y compris son site web, est assez pauvre en clichés, alors que l’auteur à publié environ 70 ouvrages !
Voici quelques-unes de ses œuvres les plus connues :

« Stray Dog » (c’est pas ma préférée !…) : Peut-être l’une des images les plus emblématiques de Moriyama, cette photographie montre un chien errant dans une rue. L’image capture l’intensité et la sauvagerie de l’animal, reflétant le thème de l’aliénation urbaine.

« Tights » : Une série de photographies centrées sur des jambes féminines en collants. Ces images sont remarquables pour leur érotisme subtil et leur composition abstraite.

« Shinjuku » : Une série capturant le quartier de Shinjuku à Tokyo, connu pour sa vie nocturne et son chaos urbain. Ces photos sont représentatives du style granuleux et contrasté de Moriyama.

« Tokyo » : Une série de photos qui dépeint divers aspects de la vie urbaine à Tokyo, capturant l’énergie et la solitude de la ville.

« Farewell Photography » : Certaines images de cette collection sont également très reconnues.

 

Le mouvement « Provoke »

Apparu au Japon à la fin des années 1960, est une initiative avant-gardiste dans le domaine de la photographie. Ce mouvement est surtout connu à travers la revue photographique « Provoke », qui n’a publié que trois numéros entre 1968 et 1969, mais a eu un impact durable sur la photographie contemporaine. Le magasine fondé par Takuma Nakahira et Yutaka Takanashi aura eu existence éphémère (3 numéros).

Les artistes de Provoke cherchaient à se distinguer de la photographie japonaise de l’époque, souvent caractérisée par une esthétique soignée et une approche documentaire. « brut », « flou » et « granuleux » : ces trois termes décrivent l’esthétique visuelle du mouvement. Les images de Provoke sont souvent brut de capteur (sans retouche), granuleuses, et intentionnellement imparfaites. Les photographes de Provoke privilégiaient l’expression personnelle et l’expérimentation sur la clarté et la précision technique.

« tout le monde trouvait le livre incompréhensible, et c’était mon souhait ». (Daido Moriyama)

Bien que de courte durée, Provoke a eu un impact profond sur la photographie contemporaine, en particulier dans le domaine de la photographie de rue et de l’expression artistique personnelle.

 

Recherche de l’instant décisif : L’abondance de prises

Daido Moriyama est connu pour prendre un grand nombre de photos, une méthode qui favorise la spontanéité et l’expérience directe. Cette approche quantitative lui permet de capturer des moments fugaces et inattendus, créant une narration visuelle unique et fragmentée.
En prenant un grand nombre de photos, Moriyama cherche à saisir des moments fugaces, des instants qui révèlent une vérité ou une beauté inattendue dans le quotidien.

Cette méthode repose sur l’intuition et la découverte spontanée, où l’acte de photographier devient presque un processus de recherche, explorant et réagissant à l’environnement.

En photographiant abondamment, Moriyama augmente les chances de capturer des moments surprenants ou révélateurs, en quelque sorte il favorise l’apparition d’insights, des instants où une idée ou une esthétique unique émerge soudainement. Moriyama embrasse l’imperfection. En prenant de nombreuses photos sans trop se soucier de la perfection technique, il s’ouvre à la possibilité de créer quelque chose d’unique et d’authentique. Cette méthode lui donne la liberté de s’écarter des normes conventionnelles de la photographie et d’expérimenter avec des formes et des sujets variés.

Privilégiant les appareils photo compacts, Moriyama mise sur la discrétion et la mobilité.

 

La création accidentelle : Parallèles avec Pierre Soulages

J’avoue que le parallèle est quelque peu osé… mais il me semble que « la démarche » de Moriyama et de Pierre Soulages ont un dénominateur commun : l’accident

Bien que Daido Moriyama et Soulages opèrent dans des domaines différents, leur approche commune de l’accident dans la création artistique montre une recherche similaire de spontanéité, d’authenticité et d’exploration au-delà des conventions établies. Cela souligne une philosophie artistique où l’accident n’est pas un échec, mais une opportunité de découverte et d’expression.

Tout comme le peintre français Pierre Soulages, Daido Moriyama embrasse l’accident dans sa pratique artistique. Pour Daido Moriyama, les moments accidentels sont essentiels pour capturer l’authenticité et l’inattendu de la vie urbaine. Cette philosophie trouve un écho dans l’œuvre de Soulages, où l’accident joue un rôle crucial dans la création de ses célèbres peintures en « outrenoir ». Dans les deux cas, l’accident n’est pas un échec mais une opportunité de découverte et d’expression artistique.

Daido Moriyama utilise l’accidentalité pour capturer des moments éphémères et inattendus, souvent en photographiant instinctivement sans une intention prédéfinie. Il embrasse les imperfections techniques (flou, grain, cadrage imparfait) comme des éléments qui ajoutent de la profondeur et de l’authenticité à ses images.

Soulages, connu pour ses peintures en « outrenoir », utilise l’accident comme un moyen d’exploration et de découverte. Dans son processus de peinture, les coulures, les grattages, et les marques non intentionnelles jouent un rôle crucial. Pour Soulages, l’accident permet de révéler des aspects inattendus de son travail et guide souvent l’évolution de ses œuvres.

Tant Daido Moriyama que Pierre Soulages acceptent et valorisent l’élément aléatoire dans leur art. Ils reconnaissent que l’accident peut mener à des découvertes artistiques significatives. Les deux artistes ont un processus créatif qui n’est pas totalement contrôlé ou prédéterminé. Ils laissent une place à l’inattendu et à l’expérimentation.

 

Conclusion

Daido Moriyama, avec sa technique prolifique et son approche de l’accident en photographie, partage des similitudes avec Pierre Soulages dans la peinture. Leur travail met en lumière l’importance de l’accidentalité et de l’expérimentation dans la création artistique.
Moriyama continue d’inspirer par sa capacité à saisir l’essence de la vie urbaine, transformant les scènes quotidiennes en œuvres d’art profondes et réfléchies.

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