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Le poids de l’Autorité: L’expérience de Milgram

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Un peu d’histoire autour de la plus célèbre expérience de psychologie

L’expérience de Stanley Milgram a été conçue et réalisée dans le contexte historique et culturel des années 1960, une période où la compréhension des événements de la seconde guerre mondiale, notamment l’Holocauste, était une préoccupation majeure dans le discours public et académique. Stanley Milgram, lui-même d’origine juive, était profondément intéressé par la question de savoir comment les citoyens allemands avaient pu participer ou rester passifs face aux atrocités commises par le régime nazi.

La question posée est de savoir si la soumission à l’autorité pouvait être une explication suffisante pour les actions des individus impliqués dans le génocide.

Les résultats de l’expérience de Milgram ont été largement interprétés comme une preuve que les gens sont capables d’agir contre leurs principes moraux personnels lorsqu’ils sont placés sous l’autorité, surtout dans un contexte structuré où les rôles sont clairement définis et les responsabilités déplacées.

Cependant, il est important de noter que l’expérience de Milgram ne peut pas fournir une explication complète des comportements observés pendant la seconde guerre mondiale. Les actions des individus pendant la guerre étaient influencées par une multitude de facteurs complexes, y compris l’idéologie, la peur, le nationalisme, la pression des pairs, et d’autres dynamiques sociales et psychologiques.

L’expérience de Milgram a donc été en partie inspirée par une volonté de comprendre les mécanismes psychologiques de l’obéissance à l’autorité, notamment dans le contexte des crimes de guerre.

L’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité (influence majoritaire par « opposition » à l’influence minoritaire), celle de Salomon Asch sur la soumission du sujet dans un groupe et enfin. celle de l’influence minoritaire (Serge Moscovici) explorent les dynamiques de pouvoir et d’influence au sein des groupes. Ces études ont des implications profondes, notamment dans le contexte des réseaux sociaux, où l’influence et l’autorité prennent de nouvelles formes.

L’expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité

Stanley Milgram, a mis en place une cette expérience pour tester jusqu’où les gens iraient dans l’obéissance à une autorité lorsqu’on leur demandait de faire quelque chose en contradiction avec leur conscience personnelle.
Les participants croyaient qu’ils faisaient partie d’une étude sur l’apprentissage et la mémoire et étaient chargés d’administrer des chocs électriques à une autre personne (un acteur complice de Milgram) chaque fois que celle-ci répondait incorrectement à une question.

À mesure que l’expérience progressait, les chocs devenaient de plus en plus forts, bien que fictifs. Malgré les plaintes simulées de douleur de la part de l’acteur (le complice de Milgram), une majorité significative des participants continuaient d’administrer les chocs, souvent jusqu’au niveau le plus élevé, sous la pression de l’autorité représentée par l’expérimentateur en « blouse blanche » (la blouse blanche faisant une référence symbolique à la « science » c’est à dire dans le cadre de l’expérience »l’autorité »).

Résultats de l’expérience de Milgram

L’expérience de Milgram a révélé des résultats troublants sur la soumission à l’autorité. Voici quelques statistiques clés issues de ses expériences initiales :

  • Environ 65% des participants (l’enseignants) ont continué à administrer les chocs électriques jusqu’au niveau maximal de 450 volts, malgré les plaintes simulées de douleur de la part de l’acteur (l’étudiant).
  • Avant l’expérience, Milgram avait demandé à des collègues et des étudiants en psychologie de prédire le comportement des participants. La plupart avaient estimé que seulement une très faible proportion, 1 à 3%, irait jusqu’au bout.
  • Tous les participants ont continué à administrer des chocs jusqu’à 300 volts.
  • Beaucoup de participants montraient des signes de détresse extrême lorsqu’ils administraient les chocs, mais beaucoup continuaient malgré cela, souvent encouragés par l’expérimentateur qui leur rappelait leur engagement à l’expérience ou leur disait que les conséquences seraient de sa responsabilité.

Ces résultats ont été interprétés comme une démonstration de la tendance des individus à obéir à des ordres autoritaires, même quand ces ordres sont en conflit avec leur morale personnelle.

Parmi les nombreuses variantes de l’expérience de Milgram, l’une d’entre elles impliquait une situation où deux autorités (expérimentateurs en blouse blanche) étaient en désaccord sur la poursuite de l’expérience. Dans cette variante, lorsque les deux expérimentateurs donnaient des instructions contradictoires ou lorsqu’il y avait une discorde apparente entre eux sur la continuation des chocs électriques, la majorité des participants se sentaient justifiés d’arrêter l’administration des chocs.

Cette variante de l’expérience a montré que la présence d’une autorité unifiée et cohérente était un facteur crucial pour que les participants continuent d’obéir aux ordres. Lorsque cette unité était rompue, les participants étaient beaucoup moins enclins à continuer à administrer des chocs, ce qui suggère que la perception d’une légitimité et d’un consensus au sein de l’autorité joue un rôle important dans la décision d’obéir.

Cela a également mis en évidence le rôle du « transfert de la résponsabilité »; lorsque les participants pouvaient attribuer la responsabilité de leurs actions à l’autorité, ils étaient plus susceptibles de suivre les ordres. Cependant, lorsque l’autorité était divisée, cela créait une incertitude qui permettait aux participants de se sentir plus responsables de leurs actions et donc plus susceptibles de refuser d’obéir.

La différence entre l’expérience de Milgram et celle de Asch sur le conformisme

Selon Milgram, le fait que les sujets obéissaient à une autorité supérieure impliquaient qu’ils pouvaient se dédouaner de leur responsabilité vis-à-vis des atrocités commises.

Néanmoins, Milgram soutient que lorsqu’un individu se conforme à une quelconque autorité, il est tout de même conscient de réaliser les désirs de l’autorité en question. Autrement dit, en obéissant à un ordre, on est conscient de réaliser la volonté de l’émetteur de cet ordre. Cette attitude nous permettrait de freiner le pouvoir de l’autorité. En effet, lorsqu’il y a un conflit entre les ordres reçus et notre éthique personnelle (dissonance cognitive) notre niveau de nervosité augmente. Lorsque cette dissonance cognitive devient insoutenable, nous désobéissons purement et simplement.

l’expérience de Milgram est donc centrée sur la soumission à l’autorité. Il s’agit de comprendre comment les individus se conforment aux ordres d’une autorité, même quand ces ordres vont à l’encontre de leurs valeurs personnelles ou éthiques. L’accent est mis sur la relation verticale entre l’individu et la figure d’autorité.

L’étude de Asch se concentre sur l’influence sociale ou le conformisme. Ici, l’intérêt est de voir comment les individus se conforment aux normes d’un groupe, même lorsque ces normes sont en contradiction avec leur propre jugement. L’expérience d’Asch met en lumière la pression horizontale exercée par les pairs.

Dans les deux cas, il y a une forme d’influence, mais la source et la nature de cette influence diffèrent. Milgram examine l’influence verticale (hiérarchique) tandis que Asch examine l’influence horizontale (de groupe).

A propos de l'auteur

Stéphane Meurisse

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